Rendre visible l'invisible
Élève du peintre orléanais Roger Toulouse, Docteur en Psychologie (Nanterre 1968). Maître de conférences à Lille, puis professeur associé à l'Université de Nha Trang, il coexiste avec son passé par des œuvres abstraites et une peinture de remembrance aux couleurs vives.
Automne 2024 : le Salon des Artistes Orléanais retient deux oeuvres de Bruno Chauvierre. Consécration pour ce peintre, originaire d'Orléans, dont les collages abstraits sur toile marouflée évoquent son enfance à partir d'affiches lacérées prélevées sur des murs gardiens des souvenirs premiers. Une affiche reconstituée, arrachée près de son École maternelle de la rue du Grand-Villiers, évoque de mauvais souvenirs. Elle est noire comme à ses quatre ans où il vit séparé de ses parents. L'autre, recueillie Place de Loire, a les douces couleurs du temps où il accompagnait sa grand-mère aux halles pour vendre les produits du jardin familial.
Dans son atelier d'autres affiches expriment des opinions citoyennes, prélevées sur les panneaux de la ville et recomposées sur des toiles marouflées. Pèse sur cet art de la rue le poids des convictions des colleurs d'affiches, des lacérateurs et des graffeurs. Commencés en 1968 à Nanterre, poursuivis dans le Harlem des années 1970, continués dans les rues de Lille et d'Orléans, les collages suscitent l'intérêt constant de l'artiste.
Printemps 2023 : nouveaux tableaux aux couleurs éclatantes, traduisant la captation des forces vives d'évènements concernant le peintre, dont une œuvre singulière, « La bataille de Morhange ». L'expression artistique dans cette nouvelle série ne se réduit pas à la sphère humaine des combattants, car dans sa peinture il n'a pas de modèle à représenter ni d'histoire à raconter. Il peint dans l'instinctif figural, à l'opposé du figuratif qui, pour lui, reste dans l'ordre du rationnel. L'environnement sensible prédomine dans cette série, comme si le peintre-psychologue hallucinait bruits et couleurs de la bataille, à l'exclusion de son affection personnelle et de son opinion. Le peintre utilise ici un code fondé sur un décalage hallucinatoire dans lequel la perception vient « voir » le tableau comme dans la « Figure » de Gilles Deleuze où le figural dans un registre de l'instinctif relève de la fulgurance, réalité en excès.
Sans l'été 1960 ce tableau n'existerait pas. La découverte du champ de bataille de la Grande Guerre aux côtés de son grand-père cette année là, constitue un point de bascule pour le peintre. Fasciné, le petit-fils retourne seul sur le site de nombreuses fois et, en 2025, peint une « Bataille de Morhange » dans laquelle il intègre des cailloux ramassés sur place, et les recouvre de couleurs aussi éclatantes que le pantalon garance de l'aïeul. Les chemins invisibles de la mémoire ont accompli leur œuvre depuis 1960 et même depuis 1914 avec cette remembrance transgénérationnelle d'un artiste du temps retrouvé, de l'être en soi du passé, peignant pour conserver une vie trop grande pour lui.


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